Bill le dauphin
C’est Bill le dauphin,
C’est un dauphin taquin,
Il file dans l’azurin.
Face au monde marin,
Tel un trait de fusain,
Il n’a pas peur des requins.
Il aime bien les humains
Qui mettent ses frères dans des bassins
Et les emprisonnent dans leurs filins.
C’est Bill le dauphin,
C’est un dauphin taquin,
Il file dans l’azurin.
Face au monde marin,
Tel un trait de fusain,
C’est un dauphin chagrin.
Roger Boubenec
Vincent
Il est debout sur mes épaules,
C’est pour toucher le cosmos.
Sur ma tête, il met de l’eau,
Pour faire le cachalot.
Les mots, c’est comme un ruisseau,
Ça coule, même si ce n’est pas à-propos.
Sa tête est ronde comme un cœur qui s’envole.
Il dit qu’il est trisomique,
Mais aussi d’Italie,
Parce qu’il aime les spaghettis.
Il colle des papiers.
Rien n’est sérieux, sauf pour dire adieu.
Comme une bulle, il s’interroge sur autre chose,
Un sentiment profond,
Le cri du papillon.
Ses yeux bleus,
C’est sa mère qui dort dans le ciel.
Roger Boubenec
Je viens de l'eau qui coulait sur mes pieds de bébé,
Je viens du masque bleu ajusté par mon père, révélant une beauté cachée,
Je viens des longues palmes qui m'invitaient à regarder et à rêver,
Je viens des courants, du froid, de l'océan, du Rhin, du Ghoubbet,
Je viens du courage d'être deux,
De la sangle tendue vers mon binôme nageur,
Dans le noir des ports, sous le sombre des coques,
Je viens du mystère des fonds,
Des tourelles, des scaphandres et des caissons,
Quand toutes les couleurs s'apaisent,
Je viens de l'essentiel,
Je viens de la lueur qui reste.
Roger Boubenec
La fille de l'eau
Elle regarde en haut,
Loin des oripeaux,
Tout simplement parce que c’est beau.
Elle y voit des poissons à tête d’abricot,
Des cachalots et des baleineaux,
Et même des maquereaux, au fil de l’eau,
Parfois des bateaux.
Ce ne sont pas des radeaux de Géricault,
Ni des paquebots,
Mais des gens qui se jettent à l’eau.
La fille de l'eau
Elle regarde en haut,
Loin des oripeaux,
Tout simplement parce que c’est beau.
Roger Boubenec
Remonter le courant,
Remonter le temps,
Comme un matin de printemps,
Remonter la lumière,
Comme une prière.
Oublier l'obscur, aller vers l'épure,
Comme enfant, je regardais la lune
Avec mon père, à travers les tentures,
Lever la tète, oublier les tempêtes,
En zigzag, remonter, aller vers les vagues,
Et se réjouir, de pouvoir, peut-être, revenir...
Remonter le courant,
Remonter le temps,
Comme un matin de printemps,
Remonter la lumière,
Comme une prière.
Roger Boubenec
Des poissons passent
Comme des ombres sous la lumière,
Éclats mouvants,
Fusant entre les pierres pâles.
Je ne bouge pas.
Je regarde.
Tout est simple ici
L’eau file sans mots,
Le temps s’efface.
Des cercles de verre
S’ouvrent dans le courant,
Et moi,
Je glisse dans leur silence,
Comme dans un rêve sans fin.
Roger Boubenec
J'avais dessiné des fleurs de couleur sur sa peau.
Comme un rideau de scène, ses cheveux annonçaient la beauté.
Elle était assise, et se laissait croquer.
Mes arabesques en forme de pétales
Mêlaient les roses et les bleus,
Et ses bras, ses seins, prenaient des airs de jardin.
Son ventre doré portait les fleurs de l'été.
Et mes mains dessinaient.
Elle, calme, toujours assise dans la clarté de son teint.
Ses yeux perdus dans le lointain,
Elle rêvait à des feuilles emportées.
Mes gestes faisaient monter le désir,
Il montait, comme un volubilis.
La lumière semblait vaine, devant pareilles beautés.
Comme un soleil dans le cœur,
Je dessine encore les reflets de ses fleurs.
Roger Boubenec
On se demande où sont les parfums ?
La surface est ouverte au bleu turquin,
Au milieu des gorgones,
Il y a des poissons qui murmurent,
On voit s'agiter leur tête,
Au milieu des gorgones,
Ils tournent en rose,
Et se superposent,
Dans un rideau de rayons
On se demande où sont les parfums ?
Roger Boubenec
Père et fils
En contre-jour rayés par les vagues,
Leurs fronts tournés vers le fond,
Les yeux hardis de bleu,
Ils se brisent en deux,
Des jouets qui s'étirent
Les jambes, les bras, épées dans le clair,
Emmener l'air vers les algues
Loin du ressac et des courants
C'est son père qui lui avait montré,
L'apprentissage vers la mer,
Il montre à son fils qui montrera à sa fille.
Plus hauts au-dessus,
Ce sont les mouettes qui balancent.
Elles sont dans le ciel,
De loin, ce sont les âmes qui éclairent,
Après tant de choses,
D'aller vers la paix, d'aller vers la mer.
Roger Boubenec
Il est différent, c'est Vincent.
Il a les mains arc-en-ciel de papiers de couleur,
Quand il rit, il met les mains devant et c'est joli,
Il colle des bouts d'affiche qu'il déchire,
Il est différent, c'est Vincent.
Ils disent qu'il est porteur de trisomie 21,
En plus, il est acteur, c'est novateur,
Down Syndrom qu'ils annoncent, mais pas filiforme, Dans les cours d'école, c'était"Mongol",
Dansle bus, ce sont les regards qui jugent, Ce n'est pas pour ses muscles,
Il s'en balance,
Il a des mains arc-en-ciel de papiers de couleur,
Quand il rit, il met les mains devant et c'est joli,
Il est différent, c'est Vincent.
Il a des yeux d'orient, comme ceux du Bhoutan,
Ses oreilles d'hippopotame, ce n'est pas une réclame,
Sa bouche paresseuse, sacré farceur,
Sa langue, qui vous emmerde, et qui déconcerte,
Un chromosome en plus sur le 21, ce n'est pas Babylone, mais il pardonne,
D'autres naissent forts,ils sont capables, ils font la guerre,
D'autre raisonnent et font des bombes et l'atome,
D'autres beaux parleurs oublient les fleurs et la douceur,
Lui, il a des trous dans le cœur, ça porte bonheur
Il a des mains arc-en-ciel de papiers de couleur,
Quand il rit, il met les mains devant et c'est joli,
Il est différent, c'est Vincent.
Son frère, c'est son "Crall",
Son père, son copain, c'est le destin,
Dans "travail à 4 mains", ils ne sont pas des crétins,
Dans le soir, il la regarde, il pense à elle, son étoile.
La photo noir et blanc, c'est ça, c'est sa maman,
Dans l'ombre il l'a vu,
Sa main douce sur sa nuque"pas d'inquiétude petit ours" c'est sa frimousse,
Et dans la nuée des transparences, elle l'accompagne, c'est sa présence.
Il a des mains arc-en-ciel de papiers de couleur,
Quand il rit, il met les mains devant et c'est joli,
Il est différent, c'est Vincent.
C'est une douceur dans la lumière
Celle de la mère pour l'enfant
Elle est baleine et veille sur son soleil,
Son petit, qui l'émerveille.
À deux, ils sont un,
Contre les harponneurs et les filets oppresseurs
Et le temps qui attend.
Leurs silhouettes dessinent une veine rose,
Comme une pose,
Avant les abîmes,
Où disparaît la lumière,
Si profondes que jamais leurs échos ne reviennent.
Elle est baleine et veille sur son soleil,
Son petit, qui l'émerveille.
C’est une douceur dans la lumière.
Roger Boubenec
Après la tempête, un seul poisson restait,
C'était le poisson-perroquet, toujours coquet,
Le vide s'était fait, mais lui, requinqué,
Un vieux poulpe, familier,
Était seul, comme en janvier,
Rien dans sa cachette,
Pas même une crevette.
Après la tempête, un seul poisson restait,
C'était le poisson-perroquet, peut-être intoxiqué,
À force de décortiquer des coraux pollués.
On devinait, dans la lumière,
Son sourire toujours figé,
On le voyait, seul, s'en aller.
Après la tempête, un seul poisson restait,
C'était le poisson-perroquet, toujours coquet.
Roger Boubenec
I don't understand,
Entré dans le voile,
Pour devenir vrai.
I don't understand,
L'eau se dilatait et s'ouvrait,
Réfraction ou miction ?
Tout était vrai.
C'était la faille, c'était l'Espagne,
C'était au fond,
Là où l'eau douce rejoint la mer.
I don't understand,
Une faille, aussi dans mon âme,
C’était l’Espagne.
I don't understand.
Roger Boubenec
Derrière la petite crique,
Lavé des odeurs du jour,
Je mettais le masque bleuté
Que mon père m'avait donné.
La tête tournée vers les roches,
À la recherche du céphalopode,
Les visions me ramenaient à l'enfance.
Je voyais les poissons, vers les gris de Manet,
Cet enfant que j'étais, aux côtés de mon père aux yeux de mer,
Moi, frêle, lui, maître,
Nous nagions vers le récif,
Sous les roches et les ombres noires.
Ma mère, sur le sable, nous attendait,
Tendresse des vagues et du rivage,
C'était l'été ! Elle avait le regard du bien.
Derrière la petite crique,
Lavé des odeurs du jour,
Je mettais le masque bleuté
Que mon père m'avait donné.
Derrière la petite crique, je plongeais.
Roger Boubenec
La couleur qui me vient
Lorsque murmure en moi le vent du matin,
J’ai envie de rester
Sur ce chemin, creusé par les pas,
Qui domine la mer brûlée par l’été.
Et je peins la couleur qui me vient.
Roger Boubenec
Des reines d’eau dorment dans le cristal,
Des mots d’amour sur le dos des poissons,
Des signes secrets qu’il faudrait laisser aller, aller...
Des écailles fêlées où coulent des larmes de perle.
Il frappe le sable pour faire des nuages,
Qui broient son cœur dans des rumeurs lumineuses.
La pierre se fend à force de courant.
Un peu plus vieillit...
Tout en mouvement, il reprend sa course.
Il n’y a pas de pesanteur,
Pas de "moi"
Mais cette voie que l'on entend en soi,
Au fond de la mer.
Roger Boubenec
Au cœur de l'hiver,
Dans l'eau du port,
Il ne nageait pas ! Il marchait
Dans la vase,
Il marchait
Au cœur de l'hiver
Il élinguait les pièces des épaves,
Ce n'était pas dans l'eau du bidet.
Désensabler les bateaux échoués,
Réparer les quais,
Dans la vase,
Il marchait
Pour trouver la lumière,
Il regardait vers le haut,
À travers le hublot,
Ici pas de contre-amiraux,
Il était matelot.
Au cœur de l'hiver,
Dans l'eau du port,
Il ne nageait pas ! Il marchait
Dans la vase,
Il marchait.
Roger Boubenec
La mer en soi.
Ce n'est pas simple de vivre
Avec la mer en soi,
Elle fait sans cesse des tempêtes
Et parfois ça nous inquiète.
Mais dès que les poissons sont bleus,
C'est comme le fond de ses yeux,
À travers les algues en dentelle ,
C'est une aquarelle,
On voit la lumière.
Et ces dorades en promenade,
Elle ressemble à des perles en enfilade.
Ce n'est pas simple de vivre
Avec la mer en soi,
Dans les chaussures, c'est plein d'océan
Et de cabestans,
Mais il y a des fleurs de sel.
Au fond de la mer,
C'est comme un Pérugin,
Un câlin en touchant tes seins
Et on oublie les tonnerres
Et la musique de Wagner ;
C'est révolutionnaire.
Ce n'est pas si simple de vivre
Avec la mer en soi,
Elle fait sans cesse des tempêtes.
Roger Boubenec.
Il y a un arbre,
La nuit n'a pas emporté les feuilles, si seule,
Il y a des chenilles qui glissent, elles herborisent,
Pas de névrose, le ciel est rose.
Il y a des papillons,
Il y a des tarentes si lentes, la température est clémente,
Les oiseaux qui volent haut, évoquent Rimbaud,
On entend les sifflets des grillons...
Les branches engourdies penchent et protègent.
Là, sur le tronc, les amoureux s'appuyaient,
Ils évoquaient leurs amours, c'étaient leurs parcours.
Lui échangeait son prénom tout en touchant son téton,
Ce n'étaient pas des santons.
Il n'y a pas de gauche, de droite, il y a du vert,
Il y a le ciel qui flamboie,
Il y a les chiens qui aboient,
C'est la guerre, ce sont les Borgia, c'est comme autrefois.
Bien sûr, il y a aussi sous la terre les choses que l'on devine,
Ce sont les racines, ce n'est pas visible.
Mais il jaillit des capucines.
Roger Boubenec
L’oiseau sur le barbelé
Il est posé sur le barbelé,
L’oiseau au ventre orangé.
Il se moque des frontières et des propriétés,
L’oiseau tout nuancé.
Une toile d’araignée, aux fils organisée,
Luit à ses côtés.
Il a vu le jour se lever sur le barbelé,
Le bleu qui monte,
Ignore ceux qui dressent des barbelés.
Il est posé sur le barbelé,
L’oiseau au ventre orangé.
Une toile d’araignée, au fil argenté,
Luit à ses côtés.
Il a vu aussi le fumier,
Sous les barbelés.
Il sait que le monde est ainsi fait,
L’oiseau au ventre orangé.
Et il chante encore plus fort,
À l’amitié, à l’universalité,
L’oiseau au ventre doré.
Roger Boubenec
EMEISHAN
Elle monte.
Des marches, encore, toujours.
La brume violette colle à sa peau,
Le vent lui parle doucement.
Ses larmes sont loin.
Ou peut-être encore là,
Dans les plis de sa charge,
Dans les recoins de ses souvenirs.
Elle a connu les soleils bas,
Les nuits sans lune,
Et l’absence
Ce vide que la montagne seule écoute.
Elle grimpe.
Vers un pli du ciel
Pas après pas.
Parce qu’il y a, quelque part,
une rose légère.
Un oiseau, lunaire.
Une seconde de beauté pure.
Et dans son ventre,
EMEISHAN
Comme un battement
Comme un battement
Comme si le ciel
Était la seule chose
Qu'on n'avait pas encore quitté.
Roger Boubenec
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